Plainte contre Pokerstars : les autorités autrichiennes soupçonnent une activité frauduleuse

Le parquet économique et anti-corruption autrichien (WKStA) a été saisi d’une plainte visant la plateforme de jeux d’argent Pokerstars. Cette plainte a été déposée par le cabinet d’avocats Salburg, avec le soutien financier de la société spécialisée dans le financement de contentieux Padronus.

Elle accuse Pokerstars de pratiques frauduleuses et trompeuses. Étant donné que le préjudice estimé dépasse les cinq millions d’euros, c’est le WKStA – et non le parquet de Vienne – qui est compétent pour instruire l’affaire.

Un vide juridique en Autriche : Pokerstars sans licence officielle

Pokerstars, qui appartient au groupe de jeux d’argent Flutter Entertainment, propose ses services dans de nombreux pays européens. Mais selon Padronus, la plateforme ne dispose d’aucune licence valable pour opérer sur le marché autrichien. Or, ses campagnes publicitaires laissent entendre le contraire, induisant ainsi les consommateurs en erreur.

Richard Eibl, directeur général de Padronus, a déclaré à kleinezeitung.at que plusieurs décisions de justice définitives avaient déjà été rendues contre Pokerstars. Pourtant, la plateforme n’a toujours pas procédé aux remboursements exigés par ces jugements. Il s’appuie pour cela sur une loi maltaise controversée (le « Bill No. 55 »), qui stipule que les tribunaux maltais ne sont pas tenus d’exécuter les décisions rendues à l’étranger, y compris en Autriche et en Allemagne.

Le tribunal de commerce de Vienne a donc saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui devra désormais se prononcer sur la légalité de cette disposition au regard du droit européen.

L’avocat général de la CJUE soutient la position autrichienne

L’avocat général de la CJUE, Nicholas Emiliou, a apporté un éclairage important dans un autre dossier de demande de remboursement. Dans cette affaire, un joueur autrichien avait intenté une action en justice contre un ancien opérateur de jeux d’argent, actif sur le marché autrichien sans licence – à l’image de Pokerstars.

Pour trancher, la Cour suprême autrichienne a saisi la CJUE afin de clarifier si le droit autrichien s’appliquait dans ce type de litige. Dans ses conclusions, Nicholas Emiliou estime que la législation en vigueur est celle du pays où le préjudice a été subi. L’arrêt de la CJUE n’a pas encore été rendu, mais la Cour suit généralement l’avis de l’avocat général. Une telle décision renforcerait clairement la position autrichienne dans les procédures en cours contre Pokerstars, car elle rendrait inapplicable la loi maltaise controversée (le « Bill No. 55 »), souvent invoquée par l’opérateur pour éviter d’exécuter les jugements étrangers.

Fait surprenant : en 2024, la Cour suprême autrichienne avait pourtant estimé que Pokerstars pouvait, de son côté, exiger le remboursement des gains versés à ses utilisateurs. En l’absence de licence, aucun contrat d’utilisation n’était juridiquement valide, ce qui, selon cette décision, excluait tout droit des joueurs à conserver leurs gains.

L’avocat de la défense pointe un comportement de Pokerstars potentiellement répréhensible sur le plan pénal

Les demandes de remboursement ne sont pas nouvelles dans le secteur des jeux d’argent, mais la dimension pénale, elle, l’est. Selon une expertise de l’avocat pénaliste Norbert Wess, le cas de Pokerstars pourrait relever du droit pénal, notamment en matière de fraude et de tromperie. En cause : une publicité jugée trompeuse, qui laisse croire aux joueurs autrichiens qu’ils participent à un jeu légal.

Or, en l’absence de licence valable et de recours efficaces pour les joueurs, cela pourrait entraîner un préjudice financier réel. D’après Me Wess, les autorités autrichiennes ont tendance à se saisir plus rapidement de ce type de dossiers lorsque des publics vulnérables sont concernés – comme les personnes souffrant d’addiction au jeu ou les jeunes.